« Le vieillissement cellulaire accéléré observé dans les troubles bipolaires pourrait être expliqué par une diminution de l’expression du gène POT1. »
Luana Spano, Doctorante en Biologie Moléculaire, INSERM UMRS 1144
Le vieillissement cellulaire accéléré dans les troubles bipolaires est un sujet de plus en plus étudié puisqu’il permettrait d’expliquer la diminution de 10 à 15 ans de l’espérance de vie observée dans ces troubles. Comprendre ce processus est un enjeu majeur de recherche qui permettrait ainsi d’améliorer l’espérance de vie de ces patients.
Dans une précédente étude conduite sur 130 patients atteints de troubles bipolaires, notre équipe avait identifié un sous-groupe d’individus d’âge jeune qui présentait une accélération du vieillissement cellulaire – comparativement à d’autres individus du même âge – grâce à la mesure d’un marqueur du vieillissement : la longueur des télomères. Les télomères sont des séquences répétées de l’ADN situées aux extrémités des chromosomes. Leur longueur diminue naturellement avec l’âge. Cependant, la diminution trop importante de cette longueur dans ce sous-groupe de jeunes individus représente un signe de vieillissement cellulaire prématuré.
Dans la présente étude, nous avons tout d’abord tenté de répliquer cette observation dans un échantillon plus important de 542 patients atteints de troubles bipolaires issus du réseau national des Centres Experts de la Fondation Fondamental. Nous avons de nouveau identifié un sous-groupe de jeunes individus avec une longueur des télomères plus faible, ce qui indique un vieillissement cellulaire prématuré par rapport à d’autres patients d’âge similaire. Ce résultat suggère l’existence de facteurs pouvant expliquer le vieillissement cellulaire observé chez certains jeunes patients.
Puis, afin de mieux comprendre la diminution de la longueur des télomères dans ce sous-groupe de patients, nous avons analysé différents gènes connus pour être liés soit à l’âge, soit à la longueur des télomères. Un gène, POT1, a été observé pour la première fois comme étant sous-exprimé spécifiquement dans ce sous-groupe de jeunes patients. Ce gène permet la synthèse d’une protéine appartenant à un complexe composé de 6 protéines et qui est appelé complexe Shelterin. Ce complexe a pour principal rôle de maintenir la longueur des télomères. L’hypothèse expliquant cette découverte est la suivante : la diminution de l’expression du gène POT1 déstabiliserait le complexe Shelterin et l’empêcherait de remplir correctement son rôle. Si ce complexe ne remplit pas son rôle efficacement, on observerait alors une diminution de la longueur des télomères.
Cette étude permet donc d’offrir une nouvelle hypothèse pouvant expliquer le vieillissement cellulaire prématuré observé chez une partie des patients souffrant de troubles bipolaires et permet ainsi d’étendre les pistes de recherche.
Ce travail de recherche a été conduit par
- Madame Luana Spano - Doctorante - INSERM UMRS 1144
- Dr Cynthia Marie-Claire - Directrice de recherche CNRS - INSERM UMRS 1144
- Professeur Bruno Etain - Université Paris Cité