Vignette actualité : rubrique Point Recherche FondaMental avec Stéphane Jamain et Bruno Etain
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Le Score de Risque Polygénique : une clé de compréhension pour les troubles bipolaires ?  

Publié le 28 octobre 2025

– Stéphane Jamain, Directeur de recherche à l’Inserm et co-responsable de l’équipe de Neuropsychiatrie Translationnelle à l’Institut Mondor de Recherche Biomédicale (IMRB) à Créteil 

– Bruno Etain, Professeur de Psychiatrie à l’Université Paris Cité et coordinateur des Centres Experts Bipolaire de la Fondation FondaMental 

Mieux comprendre l’influence de la génétique dans les troubles bipolaires 

Le trouble bipolaire est une maladie psychiatrique complexe, avec une forte composante génétique : avoir un proche (parents, fratrie) atteint augmente fortement le risque d’être soi-même concerné. En revanche, il n’existe pas un seul « gène du trouble bipolaire ». En réalité, ce risque est lié à une multitude de petites variations génétiques qui, chacune, n’ont qu’un effet minime. 

Pour mieux comprendre ce risque, on peut calculer ce qu’on appelle un score de risque polygénique (en anglais polygenic risk score, ou PRS) : c’est une estimation du risque génétique d’une personne à développer une maladie. En bref, ce score est calculé à partir de l’addition des nombreux petits effets des variants génétiques impliqués dans la maladie. Il ne s’agit pas d’un test prédictif absolu, mais plutôt d’un indicateur statistique : plus le score est élevé, plus la probabilité d’appartenir à un groupe « à risque » est grande.  

Dans les troubles psychiatriques, et en particulier dans les troubles bipolaires, on remarque que les personnes malades ont non seulement un score de risque polygénique d’avoir un trouble bipolaire supérieur à celui de la population générale, mais ont également un score de risque polygénique d’avoir une schizophrénie ou un trouble dépressif caractérisé supérieur à celui de la population générale. En d’autres termes, on retrouve plus fréquemment les variations génétiques associées à d’autres troubles psychiatriques chez les personnes avec un trouble bipolaire que dans la population générale.  

Nos chercheurs ont analysé les données de 852 patients issues de la base FACE-BD (FondaMental Advanced Centers of Expertise in Bipolar Disorders).  

Pour chacun des patients qui ont participé à l’étude, nous avons calculé le score de risque polygénique associé au trouble bipolaire, à la schizophrénie, aux troubles dépressifs et aux troubles déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Puis nous avons étudié les associations entre les quatre scores de risque polygénique et l’expression clinique de la maladie, comme le type de trouble bipolaire, l’évolution (nombre d’épisodes au cours de la vie …), les comorbidités avec des addictions ou des troubles anxieux, ainsi que certaines caractéristiques à l’âge adulte comme la régulation émotionnelle ou l’impulsivité.   

TDAH et trouble bipolaire : un terrain génétique commun 

Les analyses réalisées avec des modèles statistiques complexes montrent plusieurs résultats nouveaux. Premièrement, le score de risque polygénique pour le TDAH augmente les symptômes d’impulsivité et d’inattention rapportés dans l’enfance par les participants, mais aussi le risque d’être exposé à des maltraitances dans l’enfance. Ces symptômes de TDAH rapportés dans l’enfance augmentent alors le risque de présenter une plus grande impulsivité et une dysrégulation émotionnelle plus marquée à l’âge adulte. Finalement, ces deux derniers aspects de fonctionnement augmentent la sévérité du trouble bipolaire en termes de présence de cycles rapides, de troubles anxieux associés ou de suicidalité. 

Il faut insister sur une limite importante : même si la relation est réelle, le pouvoir prédictif du score de risque polygénique reste faible. En d’autres termes, on ne peut pas utiliser ce type de test pour prédire avec fiabilité si une personne va développer un trouble bipolaire ou quelles caractéristiques cliniques aura ce trouble. Pour progresser, il faudrait élargir considérablement les cohortes pour lesquelles nous pouvons combiner les données génétiques et d’autres informations comme l’exposition à certains environnements, les expériences de vie ou les données biologiques afin d’obtenir des outils plus performants pour la prévention ou le diagnostic. C’est un des enjeux du programme de recherche en Psychiatrie de Précision PEPR PROPSY (https://pepr-propsy.fr/). 

En résumé, cette étude permet de faire un pas de plus vers la compréhension de l’héritabilité du trouble bipolaire et de son lien avec d’autres troubles comme le TDAH. Elle permet également de montrer un lien entre ces facteurs génétiques et l’exposition à des facteurs de risque environnementaux comme la maltraitance dans l’enfance. Mais pour l’instant, il s’agit d’un outil de recherche, et non d’un outil clinique utilisable dans la vie courante. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour approfondir ces résultats, dans le but de favoriser une prise en charge précoce des personnes à risque de troubles bipolaires, et ainsi contribuer à améliorer leur qualité de vie.  

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