« Les patients atteints de schizophrénie et ayant des antécédents de troubles des apprentissages doivent bénéficier de soins spécifiques »
Dr. Clément Dondé, médecin psychiatre (CHU Grenoble), membre de l’Alliance FondaMental. Dr. Jasmina Mallet médecin psychiatre (AP-HP), membre de l’Alliance FondaMental.
Nous savons que les schizophrénies sont des troubles psychiatriques résultant d’une interaction entre certains gènes et des facteurs environnementaux. Cette interaction va entraîner une altération du neurodéveloppement et conduire à l’émergence du trouble au début de l’âge adulte. Or, certaines schizophrénies surviennent chez des personnes ayant présenté des troubles neurodéveloppementaux des apprentissages durant l’enfance, comme la dyslexie (trouble de la lecture) et la dyspraxie (troubles de la coordination motrice). L’objectif de cette étude était d’identifier les caractéristiques cliniques des individus présentant à la fois une schizophrénie et des antécédents de troubles des apprentissages dans le but d’améliorer leurs soins dans une démarche de médecine de précision.
Sur les 492 participants ayant consulté dans le réseau des Centres Experts FondaMental Schizophrénie et ayant participé à l’étude, un sur dix rapportait avoir eu un trouble des apprentissages durant l’enfance. Les résultats sont sans appel : ces participants avaient de moins bons résultats à certains tests cognitifs que les participants avec schizophrénie sans trouble des apprentissages. Les performances cognitives mesurées au cours de ces tests étaient la rapidité et l’efficacité du raisonnement, la mémoire, l’adaptation à la nouveauté, la compréhension et l’expression verbales : des capacités essentielles de notre cerveau qui nous permettent d’être en interaction avec notre environnement. L’impact sur le fonctionnement dans la vie quotidienne, par exemple la qualité des relations sociales et l’insertion professionnelle, était également plus marqué chez les patients avec schizophrénie et antécédent de trouble des apprentissages. Ces différences restaient significatives entre les deux groupes de patients après prise en compte de facteurs confondants comme l’âge, le sexe, le niveau d’éducation, le niveau d’intensité des symptômes, la dose de médicaments antipsychotiques et la présence d’addictions associées.
Les patients atteints de schizophrénie et ayant des antécédents de troubles des apprentissages présentent donc des caractéristiques cliniques spécifiques qui doivent être prises en compte dans la recherche de précision en psychiatrie. Les résultats de la présente étude vont avoir une importance certaine pour contribuer au développement d’une psychiatrie personnalisée. En effet, l’identification précoce d’antécédents de troubles des apprentissages chez les patients avec schizophrénie permettra de leur proposer des approches ciblant plus précisément les troubles cognitifs et les difficultés de fonctionnement dans la vie quotidienne. Des approches non médicamenteuses telles que la remédiation cognitive ciblée et des approches médicamenteuses innovantes sont à l’étude. Par exemple, la N-acétyl-cystéine, une molécule qui a récemment été reconnue comme efficace par une équipe d’experts internationaux dans les troubles cognitifs des schizophrénies pourrait être particulièrement indiquée chez ces patients.
