
La confiance en ses capacités cognitives joue un rôle clé dans la qualité de vie des personnes vivant avec une schizophrénie.
‾‾ Solène Frileux, Praticien Hospitalo-Universitaire, Service Universitaire de Psychiatrie et Addictologie du Centre Hospitalier de Versailles, Référente Parcours à l’étranger au sein de la Commission Hospitalière (UFR Santé Simone Veil, UVSQ), Doctorante en épidémiologie (CESP, INSERM Unité 1018), chercheuse à la Fondation FondaMental et lauréate d’un Prix Jeune Chercheur 2025 de l’Unafam
Pour les personnes vivant avec une schizophrénie, la perception de soi peut être distante de la réalité, et ce décalage influence fortement leur bien-être au quotidien, au-delà des symptômes eux-mêmes. Comprendre comment ces patients perçoivent leurs propres compétences mentales permet donc de mieux cerner les facteurs qui impactent leur qualité de vie.
C’est précisément ce que nos travaux, récemment publiés dans Comprehensive Psychiatry (2025), se sont attachés à explorer : comment la perception de leurs propres capacités cognitives, c’est-à-dire leur capacité à planifier, se souvenir ou se concentrer, influence la qualité de vie des personnes vivant avec une schizophrénie, indépendamment de la gravité de leurs symptômes.
La métacognition : se connaître soi-même
Nous nous sommes intéressés à un concept appelé métacognition – c’est-à-dire la capacité d’une personne à évaluer sa propre manière de penser, de se souvenir ou de se concentrer. Chez certaines personnes vivant avec une schizophrénie, cette perception est altérée : certaines sous-estiment leurs compétences cognitives, d’autres les surestiment. Ces distorsions sont plus fréquentes que dans la population générale, et influencent profondément le bien-être et la confiance en soi des personnes concernées.
Confiance en ses capacités et qualité de vie : un lien méconnu mais essentiel
Pour mieux comprendre ce lien entre métacognition et qualité de vie, nous avons analysé les données de 249 personnes vivant avec une schizophrénie, suivies dans neuf centres experts du réseau FACE-SZ coordonné par la Fondation FondaMental. Les participants ont passé des tests évaluant à la fois leurs performances cognitives objectives (mémoire, attention, langage, raisonnement) et leur perception subjective de ces capacités. Nous avons également évalué leur état dépressif, leurs symptômes de schizophrénie1 (symptômes délirants, perte de motivation, désorganisation…), leur fonctionnement global2 (psychologique, social et professionnel) et leur qualité de vie.
Nos analyses montrent que :
Les patients qui se sous-estimaient, c’est-à-dire qui perçoivent leurs capacités cognitives comme moins bonnes qu’elles ne le sont réellement, présentaient une qualité de vie plus faible.
La dépression était associée à une plus grande sous-estimation de ses compétences, tandis que des symptômes psychotiques plus marqués (idées délirantes, pensées confuses) sont au contraire liés à une plus grande surestimation de ses capacités.
En revanche, la perception de ses capacités cognitives n’était pas directement liée au fonctionnement social ou professionnel
Ce qui est intéressant dans cette « dissociation », c’est que cela nous montre encore une fois que le fonctionnement et la qualité de vie sont deux concepts bien distincts. Un patient peut d’ailleurs avoir un fonctionnement global altéré mais avoir une bonne qualité de vie subjective.
Ces résultats montrent qu’une perception trop négative de ses capacités mentales peut accroître la souffrance psychologique et réduire la qualité de vie des individus concernés, même lorsque leurs difficultés cognitives objectives restent modérées. À l’inverse, restaurer la confiance en soi et plus spécifiquement en ses capacités cognitives semble avoir un effet protecteur sur la qualité de vie des personnes.
Des perspectives concrètes pour les soins
Cette étude ouvre des pistes nouvelles pour améliorer l’accompagnement des personnes vivant avec la schizophrénie. Au-delà du traitement des symptômes, il apparaît essentiel d’aider les patients à mieux reconnaître et valoriser leurs compétences, notamment dans le champ de la cognition. La mise au point de modules spécialisés sur la métacognition au sein d’approches comme la remédiation cognitive, la psychoéducation ou les programmes de renforcement de l’estime de soi pourrait contribuer à restaurer la confiance des patients dans leurs propres capacités cognitives et, par conséquent, améliorer significativement leur bien-être au quotidien.


