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Point recherche du 17 janvier - Nicolas Vodovar

Publié le 17 janvier 2024

« Le trouble du spectre de l’autisme semble être biochimiquement beaucoup plus homogène qu’initialement soupçonné »

Nicolas Vodovar, PhD, CRCN Inserm, UMR-S 942 MASCOT (Paris) et Jean-Marie Launay, Professeur émérite à l’Université Paris Cité, UMR-S 942 MASCOT.

Le trouble du spectre de l’autisme (TSA) est complexe et hétérogène. Des mutations génétiques causales ne sont responsables que d’environ 10% des cas, et l’implication plus récente du microbiote fait encore l’objet de débats. En revanche, des biomarqueurs métaboliques, comme le taux sanguin de sérotonine (sérotoninémie), sont plus fiables. La sérotoninémie est élevée dans environ 30 à 60 % des cas de TSA en raison d’un défaut d’élimination de la sérotonine. Cette hypersérotoninémie est le biomarqueur le plus fréquemment observé dans les TSA.

La sérotonine est un neuromédiateur synthétisé à partir du tryptophane, acide aminé provenant uniquement de l’alimentation. La sérotonine est également le précurseur de la mélatonine, une hormone qui régule le sommeil. Les taux de mélatonine sont souvent faibles chez les personnes autistes. Ce déficit peut être compensé par la prise de compléments de mélatonine.

Le tryptophane est également le précurseur d’une autre substance, la kynurénine. Dans des conditions normales, la kynurénine est produite par le foie. Cependant, en cas d’inflammation ou d’infection, la kynurénine est également produite en dehors du foie. Cette production extra-hépatique de kynurénine réduit la production de sérotonine. Par ailleurs, la kynurénine est elle-même le précurseur de nombreux métabolites actifs, en autre, sur le système immunitaire et le système nerveux.

L’analyse approfondie de la voie métabolique de la kynurénine dans une cohorte de personnes autistes a révélé trois résultats importants.

Premièrement, plusieurs étapes de cette voie métabolique sont perturbées dans le TSA. Ces perturbations s’ajoutent à celles déjà observées au niveau de l’élimination de la sérotonine et de la synthèse de mélatonine, et indique que le métabolisme du tryptophane est profondément modifié dans le TSA.

Deuxièmement, la synthèse extra-hépatique de kynurénine est présente chez environ 60 % des personnes autistes dans la cohorte étudiée. Cette synthèse extra-hépatique est associée à une inflammation de bas grade, qui pourrait expliquer la prévalence élevée de troubles intestinaux et auto-immuns chez les personnes autistes.

Troisièmement, les taux de sérotonine sont presque normaux chez les personnes autistes qui présentent une synthèse extra-hépatique de kynurénine. Ce résultat est important, car il montre que la restauration des mécanismes d’élimination de la sérotonine associée à la synthèse extra-hépatique de la kynurénine masque l’hypersérotonémie. De fait, une hypersérotoninémie serait observée dans la très grande majorité des personnes autistes s’il n’y avait pas de synthèse extra-hépatique de kynurénine comme, observé chez certains.

En conclusion, cette étude montre de multiples perturbations du métabolisme du tryptophane dans le TSA et indique une homogénéité biochimique préalablement insoupçonnée.

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