
Thérapie d’acceptation et d’engagement : une approche prometteuse pour réduire la détresse liée à la perception d’exclusion sociale chez les patients suicidaires
Emilie Olié, psychiatre, co-coordinatrice du réseau Centres Experts Troubles Bipolaires et Professeur à l’Université de Montpellier.
Une nouvelle piste pour réduire la douleur liée à l’exclusion sociale
De nombreuses personnes souffrant de troubles psychiatriques font face à des difficultés relationnelles et ont parfois le sentiment d’être exclues ou ignorées. Cela favorise chez certains l’apparition d’idées suicidaires. La thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT) consiste à apprendre aux patients à faire face à ce que la vie nous amène et à accepter les difficultés sans surréagir. Cette thérapie vise à aider les patients à retrouver une variété de comportements, même en présence de pensées, émotions, souvenirs et perceptions douloureuses. Elle les aide à porter une attention intentionnelle, ouverte et sans jugement à l’instant présent, ce qui permet de réduire la réactivité face aux pensées négatives, en les reconnaissant sans s’y accrocher.
Dans cette étude, nous avons évalué l’impact de la thérapie d’acceptation et d’engagement, dont l’efficacité sur la dépression et les idées suicidaires a été démontrée, sur la perception de l’exclusion sociale chez des patients ayant tenté de se suicider.
L’étude s’est intéressée à un phénomène souvent sous-estimé : la douleur sociale liée à l’ostracisme – c’est-à-dire la détresse émotionnelle liée au fait de se sentir rejeté ou mis à l’écart par les autres. Cette douleur, partageant des bases communes avec la douleur physique, peut accentuer le risque de dépression et d’idées suicidaires. Deux approches thérapeutiques ont été comparées : la thérapie d’acceptation et d’engagement, qui se base sur la pleine conscience et la flexibilité psychologique, et la relaxation visant à réduire le stress.
Une piste d’amélioration durable sur la qualité de vie des patients
Nous avons recruté 32 patients, principalement des femmes, qui avaient fait une tentative de suicide dans l’année écoulée. Les participants ont été répartis au hasard en deux groupes. L’un a suivi sept séances hebdomadaires de thérapie d’acceptation et d’engagement, tandis que l’autre a bénéficié de séances de relaxation. Pour mesurer l’impact des thérapies sur la perception d’exclusion sociale, les patients ont participé, avant et après intervention, à un jeu expérimental appelé « Cyberball game ». Dans ce jeu, les participants interagissent avec d’autres joueurs virtuels et à un moment donné ils sont progressivement exclus. Après le jeu, les participants remplissent un questionnaire permettant d’évaluer la détresse liée à l’exclusion ou la douleur sociale ressentie.
Après l’intervention, les patients ayant suivi la thérapie d’acceptation et d’engagement ressentaient significativement moins de douleur liée à l’exclusion sociale que ceux ayant suivi la relaxation. Cette diminution de la douleur sociale n’était pas uniquement liée à une amélioration de l’humeur ou de la dépression, mais reflétait un véritable changement dans la manière de percevoir et de réagir aux situations d’isolement. En outre, des améliorations ont été observées dans des processus clés tels que la capacité à accepter ses pensées et émotions, à se détacher des idées négatives et à développer une pleine conscience, autant d’éléments essentiels pour mieux gérer le stress social.
Ces travaux ouvrent la voie à de nouvelles perspectives pour la prise en charge des patients à risque suicidaire. La thérapie d’acceptation et d’engagement pourrait non seulement diminuer les idées suicidaires, mais aussi réduire la douleur ressentie lors d’expériences d’exclusion, favorisant ainsi un meilleur rétablissement en améliorant les relations sociales. Autrement dit, en aidant ces patients à mieux gérer le sentiment de rejet, cette thérapie innovante pourrait contribuer à une amélioration durable de leur qualité de vie et renforcer leur résilience face aux difficultés quotidiennes.