Porté par la Fondation FondaMental dans le cadre du dispositif Article 51 (Ministère de la Santé), le projet Passport BP s’impose comme une expérimentation pionnière dans la transformation de la prise en charge des troubles bipolaires en France. Conçu pour offrir un parcours de soins personnalisé intégrant un accompagnement humain renforcé et des outils numériques innovants thérapeutiques et de suivi , il a été mis en œuvre sur quatre sites hospitalo-universitaires (AP-HP Chenevier, CHU de Clermont-Ferrand, CHU de Besançon, CH Le Vinatier à Bron), en partenariat avec Sêmeia (éditeur de la plateforme de télésuivi MentalWise) et SBT (éditeur de l’outil de remédiation cognitive HAPPYneuron).
Une approche centrée sur le patient et le numérique
Au cœur du dispositif, l’infirmier « case manager » incarne un nouveau rôle pivot dans le suivi des patients, en lien étroit avec les psychiatres référents. Ce suivi individualisé repose sur un case management structuré, enrichi par une télésurveillance continue via MentalWise, capable de générer des alertes en cas de rechute, et complété par deux outils numériques offrant une psycho éducation digitale pour les troubles bipolaires: SIMPLe (psychoéducation) et un module de remédiation cognitive virtuel HAPPYneuron .
A la suite d’une consultation longue, chaque patient bénéficie d’un plan personnalisé de soins, de bilans trimestriels et d’une déclaration hebdomadaire de son état émotionnel, favorisant une relation soignant-soigné proactive et une meilleure anticipation des épisodes dépressifs ou maniaques. L’adhésion des patients, soulignée tout au long de l’expérimentation, témoigne d’un fort sentiment de sécurité et d’une acceptation accrue du diagnostic.
Des résultats cliniques et économiques probants
Au total, 1 100 patients ont été inclus dans l’expérimentation sur l’ensemble des sites. Évaluée par des cabinets indépendants mandatés par le ministère de la Santé (HEVA et ACE Santé), l’expérimentation Passport BP affiche des résultats très significatifs :
- Tentatives de suicide divisées par deux : 7,6 % avant inclusion contre 3,9 % après.
- Réduction de 42 % des hospitalisations complètes en psychiatrie (de 42,5 % à 24,8 %).
- Diminution de 36 % du nombre moyen de jours d’arrêt de travail (73 à 47 jours).
- Amélioration marquée des scores cliniques (dépression, manie, fonctionnement global) dans les premiers mois du suivi.
L’analyse médico-économique confirme également un gain de 298 € par mois et par patient, grâce à une baisse des hospitalisations et des arrêts de travail, soit une économie annuelle de plus de 3 500 € par patient suivi au-delà d’un an[1].
Un modèle plébiscité, mais toujours en attente de généralisation
Malgré ces résultats très encourageants, la généralisation du dispositif reste suspendue à la décision du CTIS. Alors même que l’expérimentation est désormais close, et que les analyses qualitatives comme quantitatives démontrent clairement l’efficacité et la pertinence du modèle, aucune validation n’a encore été actée pour son passage en « phase 3 », c’est-à-dire sa pérennisation et son financement en droit commun.
Cette attente suscite une incompréhension légitime chez les professionnels et les patients, d’autant que les conclusions du rapport final, remis aux instances nationales, plaident en faveur de sa diffusion à grande échelle. Les ajustements nécessaires, notamment sur la fréquence du suivi ou le maintien d’un exercice mixte pour les infirmiers, sont clairement identifiés et facilement intégrables dans une perspective de déploiement plus large.
Une solution d’avenir pour la psychiatrie française
Passport BP démontre qu’une approche coordonnée, soutenue par le numérique, peut durablement transformer la prise en charge des troubles psychiatriques. Son efficacité, son acceptabilité et son potentiel d’économies pour l’Assurance Maladie en font une initiative, parfaitement en phase avec les objectifs de transformation du système de santé portés par l’Article 51.
La balle est désormais dans le camp des autorités de régulation. Espérons que la reconnaissance officielle et la généralisation de Passport BP interviendront rapidement, afin que l’ensemble des patients bipolaires en France puissent bénéficier de cette prise en charge innovante, efficace et humaine.